Communications

Adrien Aracil (Sorbonne Université)

Des grands « grandement desirez » ou « traîtres et mercenaires » ? Le rôle politique de la noblesse protestante à l’épreuve des transformations du parti huguenot au lendemain de l’édit de Nantes

Maillons essentiels de l’appareil politico-militaire protestant au XVIe siècle et bénéficiaires de l’édit de Nantes, les nobles réformés, et en particulier les grands, voient leur rôle politique au sein du parti huguenot se transformer au XVIIe siècle. Les règlements des années 1600, tout en cherchant à faire des assemblées politiques une institution centralisatrice des doléances réformées et garante du respect des droits accordés par l’édit, s’efforcent également de réduire l’influence de la haute noblesse au sein du parti. Si l’on a pu y voir une volonté de transformer les assemblées, de lieu de mobilisation et de direction militaire, en véritables espaces représentatifs symbolisant l’unité du corps des réformés, dans une culture qui relèverait plus de celle de la notabilité urbaine et de la noblesse de robe que du devoir de révolte, cette méfiance relative à l’égard de la haute noblesse se couple à une critique de plus en plus explicite, présente dans plusieurs sources, à l’égard d’un groupe qu’on a tendance à accuser de favoriser son bien particulier par rapport à l’intérêt général. Bien que la mort d’Henri IV et le retour des tensions avec le pouvoir royal ait permis aux nobles, nécessaires dans la perspective d’une éventuelle prise d’armes, de retrouver une place éminente au sein des structures du parti, des épisodes comme le rôle trouble joué par Bouillon dans la conjuration de Biron forgent des motifs de critique à l’égard de la noblesse huguenote qui persistent jusqu’à la fin des années 1620.

Cette intervention voudrait étudier la façon dont les acteurs politiques nobiliaires, à travers une adaptation de leurs discours et à l’adoption de postures, ont transformé leurs comportements politiques pour faire face à ces tensions, mais aussi et surtout pour continuer à jouer un rôle politique au sein du parti. L’exemple d’un Rohan, dont le succès politique repose sur sa capacité à convaincre qu’il peut jouer à la fois la carte de l’engagement partisan et religieux et celle de la recherche de l’honneur nobiliaire, ou la lecture de textes justificatifs de membres du second ordre montrent que le questionnement et la tentative d’une conciliation entre culture politique nobiliaire et engagement confessionnel partisan constituent un aspect central du fait d’être noble et protestant dans la France du premier XVIIe siècle.

 

Rosanne Baars et David Van der Linden (Université de Groningue)

Qui étaient les commissaires ? La noblesse protestante comme agent de paix sous l’édit de Nantes

L’édit de Nantes est connu surtout pour les droits religieux et civils octroyés aux réformés, notamment le droit de culte, créant ainsi un régime de coexistence entre les confessions. La paix ne fut pourtant pas garantie, car il fallait encore implémenter l’édit sur un plan local, où les divisions confessionnelles furent souvent profondes et les mémoires conflictuelles. La solution de la monarchie était de nommer des « commissions de l’édit », composées d’un catholique et d’un protestant, qui parcourent les provinces au lendemain des troubles. Leur tâche consistait à négocier la restauration du culte catholique dans des villes protestantes, à décider l’emplacement des églises réformées dans des zones catholiques, et à résoudre les conflits concernant des biens confisqués. Les commissaires furent envoyés de nouveau par Louis XIV dans les années 1660, afin d’évaluer les infractions de l’édit protestés par les deux confessions. Les commissaires choisis furent presque tous des nobles, mais on sait encore très peu de leur histoire et engagement personnel : pourquoi sont-ils élus par la couronne, et comment leur foi a-t-elle joué un rôle dans leurs travaux ? Cette présentation vise à retrouver les traces de ces nobles protestants comme agents de paix sous l’édit de Nantes.

 

Didier Boisson (Université d’Angers)

Résistance nobiliaire et culte de fief dans l’Ouest de la France sous le régime de l’édit de Nantes

Si dans le croissant réformé, on peut observer une forte densité des Églises, ce n’est pas le cas dans la France du Nord où les communautés sont beaucoup plus dispersées et les exercices publics moins nombreux. Cependant, la présence de nombreuses familles nobles dans les provinces réformées du nord du royaume permet l’existence de nombreuses Églises de fief, telles qu’elles ont été définies par les édits de pacification de la seconde moitié du XVIe siècle et plus particulièrement par l’édit de Nantes. Ce sont de petites communautés qui se réunissent dans les châteaux autour de pasteurs peu connus et souvent en début de carrière. La géographie de ces Églises de fief est très mouvante au XVIIe siècle, variant selon les ventes et achats des châteaux de la part des seigneurs, mais aussi des conversions à l’une ou l’autre confession. Si l’historiographie a longtemps insisté sur le ralliement des nobles réformés à la confession du roi, en particulier à partir de 1629 et l’édit de Nîmes, il semble toutefois que, en prenant des exemples dans les provinces de Normandie, d’Anjou-Touraine-Maine ou d’Orléanais-Berry, la résistance noble à une France « toute catholique » soit beaucoup plus forte que ce qui a été écrit. Il s’agira de comprendre la place de cette noblesse réformée et les éléments de cette résistance.

 

Ariane Boltanski (Université de Caen Normandie)

Seigneurs protestants, seigneurs catholiques et évangélisation catholique dans le Vivarais, le Gévaudan et les Cévennes durant le premier tiers du XVIIe siècle

La communication proposée se penche sur deux questions imbriquées : celle, d’une part, de la puissance nobiliaire huguenote au sein de l’ensemble Gévaudan-Vivarais-Cévennes et de son affaiblissement, plus particulièrement en Vivarais, au XVIIe siècle. Elle examine, d’autre part, la question posée par la non-coïncidence entre la confession du seigneur détenteur du fief et la confession des sujets de sa seigneurie, étudiant, entre autres, les aspects juridiques de ce problème et son application dans des cas concrets, ceux, ainsi, des seigneuries de Lagorce et Salavas ou de Privas en Vivarais. Il s’agit de se demander alors comment les conversions de seigneurs protestants au catholicisme, intervenant principalement durant le premier tiers du XVIIe siècle, affectent, dans ces territoires, les équilibres en présence. Ces questions sont posées au sein d’une analyse plus globale de la place de la seigneurie et du rôle des seigneurs catholiques dans l’évangélisation qui se déploie, en Vivarais, en Gévaudan et en Cévennes, au détriment des communautés réformées, évangélisation qui s’appuie largement sur la collaboration nouée à l’échelle locale entre la noblesse catholique zélée et les missionnaires.

 

Céline Borello (Le Mans Université)

La Société de l’histoire du protestantisme français et la noblesse huguenote du XVIIsiècle

Créée en 1852 et reconnue d’utilité publique en 1870, la Société de l’Histoire du protestantisme français est une société savante dont un des objectifs est de faire progresser et connaître l’historiographie et l’histoire huguenote. Depuis cent soixante-dix ans, plusieurs vecteurs permettent d’aller en ce sens, s’adressant à divers types de publics, des chercheurs aux simples curieux : une bibliothèque parisienne riche de près de 100 000 volumes, accompagnés de fonds iconographiques et manuscrits, une revue trimestrielle (le Bulletin de la SHPF devenu la Revue de l’histoire du protestantisme), un centre de généalogie, des musées disséminés sur le territoire français. À travers cet éventail représentant un vaste patrimoine culturel et historique protestant, quelle est la place accordée à l’histoire de la noblesse huguenote d’Ancien Régime et, plus spécifiquement, à celle qui a connu la légitimité apportée par l’édit de Nantes ? L’enquête vise ainsi à proposer un panorama historiographique, historique et patrimonial de la noblesse huguenote du XVIIe siècle au prisme des activités diversifiés de la SHPF.

 

Laurent Bourquin (Le Mans Université)

Servir le roi à en perdre sa foi : les Nettancourt de Bettancourt

Les Nettancourt de Bettancourt sont protestants dans une famille et une région – la Champagne – majoritairement catholiques. Ils ont adhéré très tôt à la Réforme, au tout début des années 1560 alors que rien ne les prédisposait à s’affranchir de leur réseau, traditionnellement lié au duc de Lorraine. Malgré cette position pour le moins inconfortable, ils sont restés attachés à leur foi pendant quatre générations, conservant malgré tout une fidélité sans faille à l’égard du pouvoir royal : ils combattent pour Henri III puis Henri IV pendant les guerres de la Ligue, ne se révoltent pas sous Louis XIII et poursuivent d’honorables carrières dans l’armée royale jusqu’au milieu du XVIIe siècle.

Et pourtant, quand on compare leurs itinéraires à ceux de leurs cousins catholiques, les Nettancourt de Bettancourt ne connaissent pas des parcours aussi brillants : on ne leur confie pas de grande responsabilité ni de place forte sensible, et ils restent aux portes de la noblesse seconde. Peu à peu, l’application de l’édit « à la rigueur » les met en porte-à-faux, à tel point qu’ils finissent par se convertir à la fin du siècle, abandonnant leur foi pour retrouver la faveur royale.

Cette communication propose d’étudier la trajectoire contrariée de cette famille, porteuse à la fois d’une identité religieuse protestante, forgée au début des années 1560 dans un contexte difficile, et d’une identité nobiliaire qui ne se conçoit pas sans la voie des armes et le service du roi.

 

Nicolas Breton (Le Mans Université)

Un contre-exemple d’exemplarité : Gaspard III de Châtillon, le roi et les huguenots

Au début du XVIIe siècle, huguenots et catholiques nourrissent beaucoup d’attentes à l’égard de Gaspard III de Châtillon ; et presque toutes ces attentes sont déçues. En qualité de petit-fils de cet amiral de Coligny qui a longtemps incarné le parti huguenot avant de périr dans les premières heures de la Saint-Barthélemy, Gaspard III de Châtillon doit se montrer digne de cette filiation en adoptant politiquement et personnellement une attitude exemplaire. Or son engagement timoré, ses liens avec la cour et, surtout, ses mœurs aux antipodes de celles de son grand-père le discréditent totalement aux yeux des huguenots. Devenu maréchal de France en 1622, Châtillon entend désormais faire la démonstration constante de sa parfaite sujétion et de son entière fidélité au service du roi. Mais aux yeux de beaucoup, à commencer par ceux du cardinal de Richelieu, cette posture ne peut être réellement exemplaire qu’à condition que le maréchal abjure sa foi protestante, ce qu’il refuse pourtant de faire obstinément. Ainsi, tout au long de sa vie, Gaspard III de Châtillon aura été un contre-exemple d’exemplarité.

 

Jean-Marie Constant (Le Mans Université)

Gentilshommes protestants et catholiques unis dans la révolte nobiliaire de 1658-1659

Cette révolte se situe en Dunois, Vendômois et Sologne, mais elle a intéressé trois à quatre mille gentilshommes à des titres divers en Normandie, Orléanais, Berry, Bourgogne, Poitou, Bourbonnais. On la connaît grâce aux rapports envoyés au ministre par le maître des requêtes chargé d’interroger les responsables de la révolte. La plupart des nobles arrêtés ont raconté leur aventure et souligné le rôle dirigeant du protestant Gabriel de Jaucourt qui sera condamné à mort et exécuté, le 13 décembre 1659. L’originalité de cette révolte tient au fort pourcentage (43 %) de nobles protestants parmi les chefs du mouvement, mais ce facteur religieux n’est jamais évoqué. Pourtant certains d’entre eux ont des responsabilités dans les consistoires, d’autres s’exileront après la révocation. Les guerres de religion ne semblent plus mobiliser les gentilshommes. Désormais, une certaine solidarité unit catholiques et protestants dans la révolte pour défendre leurs libertés, leurs privilèges et demander la réunion des États généraux. Cette union tendrait à prouver la belle réussite de l’exercice de la diversité religieuse, créée par l’édit de Nantes, chez les élites nobiliaires.

 

Hugues Daussy (Université de Franche-Comté)

Le crépuscule de la noblesse huguenote. Les derniers feux de la résistance (1659-1685)

 

Fadi El Hage (Archives Nationales)

Les Caumont de La Force, un lignage au cœur des mutations du régime de l'édit de Nantes

Des guerres de Religion à la révocation de l’édit de Nantes, les Caumont de La Force incarnèrent la défense du protestantisme, sans altérer leur attachement au service de l’État. Rescapé de la Saint-Barthélemy, Jacques Nompar de Caumont de La Force fut pendant 80 ans l’un des plus importants chefs de guerre dévoué à la cause protestante et aux intérêts du royaume de France. Avec ses fils, dont certains eurent une longévité similaire à la sienne, son lignage embrassa le siècle et fut confronté à la situation maintes fois ambiguë et fragile des protestants, de la signature de l’édit de Nantes par Henri IV à sa révocation par son petit-fils Louis XIV. Les La Force donnèrent deux maréchaux à la France et jouèrent un rôle majeur dans le commandement des armées au cours du premier XVIIe siècle.

Parvenus à s’élever et à s’affirmer au sein de la monarchie des premiers Bourbons, les La Force consolidèrent leur puissance avec leurs clientèles et parentèles, si bien que leur influence compta aussi bien pendant la guerre de Trente ans qu’au cours de la Fronde, que Jacques Nompar de Caumont de La Force déplora comme un retour aux ravages qu’il avait vécus et qui furent autant de coups portés à la puissance française en Europe.

Cependant, à l’apogée du Grand Siècle, la révocation de l’édit de Nantes fut un tournant. Les La Force ne purent éviter leur déchirement face à un pouvoir devenu suffisamment fort pour imposer sa politique religieuse sans rallumer les guerres civiles de Religion.

 

Michel Figeac (Université Bordeaux Montaigne)

Les Durfort, une puissante famille de Guyenne entre le Roi, les clientèles et Dieu : les ambiguïtés d’un choix

Peu nombreuses étaient les familles du second ordre capables de s’enorgueillir d’un lignage remontant sans le moindre doute au XIe siècle. Beaucoup y prétendaient mais une étude généalogique un peu poussée suffirait à montrer les zones d’ombre du passé. Le doute n’est pas permis avec les Durfort, d’autant plus que l’historienne Nicole de Peña a eu l’occasion de lever toutes les incertitudes dans une étude qui fait référence sur les origines de la famille. Ils faisaient partie de ce petit nombre de familles qui, par leur ancienneté, la nature de leurs charges, leur puissance économique et leurs relations matrimoniales dominaient le second ordre. Au début du XVIe siècle, ils s’illustrèrent particulièrement en Italie au côté du grand-maître de l’artillerie de France, Galiot de Genouillac.

C’est donc une famille au faîte de la gloire et de la puissance qui combattait pour le Roi et pour Dieu, qui allait se trouver confrontée à toutes les incertitudes de la Réforme trois décennies plus tard. La question est essentielle car on sait que dans les provinces méridionales, les nobles furent d’efficaces relais dans la diffusion du calvinisme pour toutes les catégories sociales. Une explication par des problèmes économiques ou politiques ne tient pas dans le cas présent, car nous avons affaire à une famille au sommet de la puissance. Il sera en revanche intéressant d’étudier les comportements religieux en fonction des différentes branches du lignage des Durfort. Quelle fut l’influence de la branche aînée des Duras sur les branches cadettes ? Comment s’effectua le retour vers la religion catholique au XVIIe siècle et qu’est-ce que cela révèle de l’évolution de l’idéologie nobiliaire ?

 

Fanny Giraudier (Université Lumière Lyon 2)

Défendre ses domaines, défendre sa foi : les positionnements difficiles des La Trémoille pendant les dernières guerres de religion (1620-1629)

Cette communication propose de revenir sur le rôle de Charlotte Brabantine de Nassau, duchesse douairière de Thouars, et de ses enfants pour la défense du protestantisme et des dispositions de l’édit de Nantes dans les domaines dont ils ont la charge. Cette question devient particulièrement délicate dans les années 1620 lorsque de nouveaux conflits éclatent et que nombre de protestants peinent à se positionner entre lutte ouverte, suite aux affaires de Béarn et à l’édit de 1620, ou soumission au pouvoir royal.

Face aux prises d’armes de la noblesse et des protestants, il s’agit d’analyser la conduite de la duchesse et de son entourage dans une perspective politique et genrée puisqu’elle a pu faire l’objet de réprobations au sein du parti protestant. Il s’agit ainsi de comprendre les agissements de la duchesse à l’aune de deux paradigmes : celui de la défense de ses domaines et de l’héritage des La Trémoille, dans une perspective de sauvegarde du patrimoine nobiliaire et celui de la défense d’une religion à laquelle la duchesse est profondément attachée, et qui passe par le soutien aux églises et aux assemblées et les intercessions auprès du roi pour la défense des articles de l’édit.

 

Yves Krumenacker (Université Jean Moulin-Lyon 3)

La famille de Chandieu et le protestantisme en Beaujolais

Le protestantisme s’est très peu développé en Beaujolais, et la plupart des communautés existantes au XVIe siècle ont disparu pendant les guerres de Religion. Mais la famille protestante des Chandieu possède un château à Poule, dans le Haut-Beaujolais, où elle peut célébrer le culte en qualité de seigneur haut-justicier. C’est ainsi que Jean de Chandieu accueille les protestants lyonnais privés de temple entre 1597 et 1600. Par la suite, le château reste propriété de la famille de Chandieu jusqu’en 1664, quand Livie de Chandieu se marie à René de Loriol, dont la famille possède le château jusqu’en 1730.

Ce contexte particulier fait que le château de Poule est devenu, au XVIIe siècle, un des deux seuls lieux de culte réformé (avec Belleville) en Beaujolais, avec un pasteur chargé de l’ensemble de la région. La présence de la famille de Chandieu a ainsi permis au protestantisme de se maintenir dans une région très majoritairement catholique. Nous pourrons l’étudier principalement à partir des archives de la seigneurie et des actes des synodes de la province de Bourgogne.

 

Caroline Le Mao (Université Bordeaux Montaigne)

Être noble, magistrat et protestant : exercer à la chambre de l'édit de Guyenne au XVIIe siècle

En 1608, dans le cadre des dispositions prévues par l’édit de Nantes, le parlement de Bordeaux se dote d’une chambre de l’édit ou chambre mi-partie. Elle fut l’une de celles qui répondirent le mieux à l’esprit de l’édit, en ceci qu’elle fut véritablement mi-partie, composée d’un président et de six conseillers catholiques choisis parmi les membres du parlement, et d’autant de magistrats protestants, dont les offices relevaient spécifiquement de cette structure. Sa mission était de juger les procès impliquant des protestants.

Dès son origine, le parlement entretient avec la chambre de l’édit de Guyenne des rapports complexes, résultant d’un triple antagonisme : religieux, corporatiste, institutionnel. Les dissensions institutionnelles se déclinent au niveau des individus. En d’autres termes, les membres du parlement de Bordeaux reprochent aux magistrats protestants de la chambre de l’Édit d’être magistrat, d’être protestant, et de former une chambre. Il s’agira donc de se concentrer sur ce petit groupe de protestants ayant siégé dans cette chambre au XVIIe siècle, dans une logique comparative. Ces hommes ont-ils les mêmes origines sociales que leurs homologues parlementaires ? Ont-ils un cursus professionnel similaire, des logiques de transmission de charge et des modes de vie comparables ? Sont-ils, en somme, des magistrats comme les autres ?

 

Nicolas Le Roux (Sorbonne Université)

La famille du « gros Allemand » d’Henri IV : les Beringhen, protestants, valets de chambre du roi et courtisans

Il s’agit d’étudier un personnage central dans l’entourage d’Henri IV, Pierre de Beringhen (†1619), originaire des confins des Pays-Bas et de l’Allemagne (il est clévois), installé en France, devenu premier valet de chambre d’Henri IV et l’un de ses intimes. Il est anobli, acquiert une seigneurie (Armainvilliers), intègre la notabilité protestante parisienne : il épouse une huguenote, Madeleine Bruneau, fille de Sébastien Bruneau et Nicole Le Bey. Il fait venir un de ses cousins (Théodore), qui s’installe et se marie lui aussi. La carrière de son fils, Henri (†1692), sera également retracée (il s’exile aux Pays-Bas, combat dans l’armée suédoise, rentre en France, se convertit au catholicisme, devient grand maréchal des logis du roi, puis premier écuyer du roi en 1645 et chevalier des deux ordres). Il s’agit d’un exemple exceptionnel d’ascension sociale par le service curial et de construction d’une nébuleuse huguenote autour des Beringhen et des Bruneau.

 

Pierre-Jean Souriac (Université Jean Moulin-Lyon 3)

Le roi, le parti ou Rohan : villes et nobles méridionaux face à l’engagement militaire dans les années 1610-1620

La communication proposée visera à étudier le positionnement partisan de la noblesse huguenote au cours des années 1610 et 1620. Période de mise en place de l’édit de Nantes dans un contexte où l’identité militaire du parti était encore forte, ces 20 années virent à la fois s’apaiser les guerres civiles et briller les derniers feux d’un affrontement marqué par les tentatives de révolte du parti contre l’autorité monarchique. Dans ce contexte troublé, ceux qui commandaient dans les places laissées en garde au parti en vertu de l’édit de Nantes ou ceux qui, par leur naissance, étaient coutumiers du métier des armes eurent à se positionner entre une fidélité totale au souverain et une fidélité aux plus radicaux du parti comme le duc Henri de Rohan. La division du parti dans les années 1630 est déjà bien connue depuis les travaux anciens de Magnus Gottfrid Schybergson et plus récents d’Adrien Aracil. Il s’agira ici de descendre à l’échelle des places fortes, enjeu stratégique majeur des dirigeants des deux bords, afin de repérer les choix opérés par ceux qui en avaient la garde au nom du roi et aussi au nom de la défense du parti. A l’échelle des villes, ces nobles ne furent pas les seuls acteurs de la prise de parti : ils devaient compter avec les notables municipaux et les pasteurs. Ils étaient cependant dépositaires d’une compétence militaire qui leur donnait une place prééminente dans les mécanismes d’affrontement, et à ce titre, particulièrement surveillés.

 

Paul Vo-Ha (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)

Hérétiques sous surveillance : la coexistence confessionnelle et ses limites dans les armées du roi de France pendant la guerre de Trente Ans (1635-1648)

Si le service armé du prince permet l'intégration des protestants au cœur de l'État royal et l'accession aux honneurs et aux charges, ainsi que l’a montré une riche et récente historiographie (les maréchaux protestants par Fadi El Hadj, les Châtillon-Coligny par Nicolas Breton, Jean de Gassion par Hervé Drévillon...), ces soldats « hérétiques » restent étroitement contrôlés et surveillés. Loin d’être irénique et sans accrocs, la coexistence confessionnelle de fait qui règne, bon gré mal gré, dans des armées royales repose sur l’accommodement, le compromis et la méfiance. L'altérité confessionnelle suscite au quotidien tensions et négociations entre les officiers calvinistes et l'État royal.

 

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